jeudi 8 septembre 2016

Sommes-nous condamnés à la baisse perpétuelle des taux ?

J'expose ici pourquoi je pense que nous avons atteint un point de non retour qui nous condamne à aller de l'avant dans la baisse des taux 


Les années d'après-guerre (2e Guerre Mondiale) ont été une période d'abondance économique qu'on a nommé les "30 Glorieuses".
Durant ce temps est né le mythe de la Croissance Perpétuelle: chaque année, le PIB(1) était plus élevé d'année en année, d'où l'observation d'une tendance de croissance.
C'étaient les belles années que nos grand parents regrettent tous depuis.


Les arbres ne montent pas jusque au ciel et certains l'ont appris de manière brutale. Au bout de trente ans, le modèle s'est effondré et le choc pétrolier a ramené tout le monde dans la réalité.

Depuis lors, notre monde a vécu dans la poursuite perpétuelle de l'espoir de retrouver de cet état de grâce économique. Pourquoi ? Parce qu'une croissance solide permet de soutenir et justifier un endettement croissant. 

Depuis plus de 40 ans maintenant, l'endettement public de toutes les nations dites "développées" ont subi une croissance quasi permanente. L'endettement à long terme ( 10-30 ans) a été utilisé pour combler les petites trous budgétaires d'une année à l'autre, ce qu'on appelle aussi le déficit.

Ramené au niveau des individus, c'est comme si je ré-hypothéquais ma maison sur trente chaque année pour combler les dépenses qui excèdent mes revenus pour le petit bout qui me manque aujourd'hui.

Cela ne marche que si ma maison prend de la valeur chaque année. Dans le cas d'un marché immobilier morose dans lequel les prix des maisons diminue, vous comprendrez facilement pourquoi cette vilaine habitude n'est pas viable.

Tant que la croissance était présente durant les 30 glorieuses, cela n'avait peu ou pas d'impact et tout le monde s'en portait bien. 

Une fois que la croissance eut disparu, non seulement on est resté avec cette vilaine habitude de s'endetter sur 30 ans pour combler les déficits mais on en a repris une couche justement pour tenter de redresser l'économie, pensant que la crise ne durera pas.

C'est ainsi que durant les années '70, de nombreux pays ont lancé une politique de "Grands Travaux" financés par de l'endettement à très long terme. 

Durant les années '80, on a du se rendre à l'évidence que cette politique ne marchait pas et on se retrouvait alors avec une économie morose à la croissance atone et une grosse dette à gérer.

Du coup la botte secrète du couple Reagan-Thatcher a été de relancer la croissance par la stimulation de la consommation. 

Mais comment relancer la consommation si tout le monde est fauché ?


En donnant accès au crédit à virtuellement tout le monde. 
C'est ainsi que se sont développées les institutions de cartes de crédits et financements personnels. 

Depuis lors, l'endettement global, ménages, entreprises a crû exponentiellement pour atteindre les niveaux dramatiques qu'on connaît actuellement et qui arrivent au point de saturation.

Comment en est-on arrivé là ?

A la base l'idée était de donner une impulsion de départ qui aurait relancé l'économie: la consommation grandissant, la production aurait repris et les entreprises auraient embauché. 

Du coup le revenu des ménages aurait pu croître dans des proportions qui auraient permis de rembourser ses dettes. 

C'est le principe qui motive tout investissement: on en retire davantage que ce qu'on y a investi. 

Le problème c'est qu'on n'avait encore jamais expérimenté un tel plan au niveau mondial. Et c'est là que ça a 'foiré'. Un principe de micro-économie ignoré jusque là par les macro-économistes les a pris de court.

En effet, en micro-économie, on part du principe que chaque individu cherche à maximiser son pouvoir d'achat. 

Cela veut dire qu'il essaye d'acheter un maximum de choses avec son revenu disponible. On essaye tous d'en avoir pour son argent. 

Par exemple, si un Kilo de sucre coûte 1,2€ au supermarché 'Ca' et 0,99€ au supermarché 'Al', il serait insensé d'aller acheter son sucre chez 'Ca'. 

Cela semble tellement logique, non ?

Il est donc absolument évident que pour relancer la consommation, et donc les volumes de vente, que les fabricants et commerçants proposent des prix plus bas.

Cela ne peut se faire si les producteurs locaux n'ont aucune flexibilité sur les prix, car eux-même ont des contraintes de coûts. A l'université, nous avons eu à analyser les cas de plusieurs fournisseurs poussés à la faillite par des chaînes de supermarchés qui leur imposaient une pression sans cesse grandissante sur les prix. 

Le salut ne pouvait résider dans la réduction des coûts de production qui n'a été possible que via des délocalisations dans des pays à main d'oeuvre relativement moins coûteuse. 

C'est ainsi que depuis les années '80 un lent processus de délocalisations des entreprises manufacturières, grand pourvoyeurs de main d'oeuvre, s'est amorcé. Lentement mais sûrement la consommation a pu être maintenue au rythme des plans de licenciement et de fermetures d'usines. 

C'est ainsi qu'on en est arrivé a voir la Chine devenir la Manufacture du Monde, le premier centre de fabrication des biens qui sont consommés partout ailleurs.
Par la même occasion cela lui a permis de venir titiller les américains au rang de la première économie du monde. 

Cependant il ne faut pas perdre de vue que cette même consommation a été soutenue par de l'endettement dans nos pays. 

Ce qui me revient à dire que la croissance industrielle des pays émergents vers lesquels nos entreprises ont délocalisé a été financée par nos dettes.

Ce qui devait arriver n'est pas arrivé. Cela ne s'est pas du tout déroulé selon le plan. 

Au lieu de consommer local et relancer la croissance du marché de l'emploi dans nos contrées, les victimes du grand plan d'endettement de tout le monde ont acheté bon marché et boudé les produits de bonne qualité produits chez nous. 

Pourquoi acheter un bien qui durera 20 ans alors qu'il sera démodé dans 5 ans ? Alors qu'en même temps on peut avoir un produit similaire au quart du prix qui durera justement les 5 ans durant lesquels on compte l'utiliser. (remplacer les durées en fonction des produits)

Quand va-t-on se rendre à l'évidence: la relance par l'endettement, ça ne marche pas ?!?!

On ne règle pas un problème de dette par davantage de dette.

Bref au final on en est là: une économie ruinée avec un secteur manufacturier réduit à une peau de chagrin, sans plus aucun prospect de pouvoir créer de la richesse et avec tous les acteurs économiques criblés de dettes.

La seule "solution" pour que cela soit viable est de constamment réduire les taux d'intérêt.

C'est pour cette raison que je n'entrevois pas de sitôt un relèvement des taux d'intérêts. Ce serait du suicide. Techniquement c'est impossible.

De la même façon il faut s'attendre à voir les taux s'enfoncer davantage encore qu'on est arrivé au plancher.

On a touché le fond, là il est temps de creuser.

Tout comme les arbres ne montent pas jusqu'au ciel, les taux ne peuvent descendre jusqu'aux Enfers2.

Et pourtant on a atteint un point crucial. Avec la crise de 2008, les Gouvernements se sont massivement endettés pour sauver les banques, les fameuses "too big to fail" (trop grosses que pour se péter la gueule).

Avec cela, les États occidentaux ont brûlé toutes leurs cartouches quant à leur limite d'endettement. L'arme des taux a été vite épuisée car ils ne pouvaient pas les baisser encore davantage. Enfin, croyait-on.

Actuellement on a enfoncé ce plancher psychologique un peu partout et on ne compte plus les cas d'émissions obligataires à un taux inférieur à zéro: les taux négatifs d'emprunt sont arrivés.

J'entends un peu partout entendre qu'in vit une situation totalement inédite, qu'on se trouve en terrain totalement inconnu en termes économiques.

En effet, aucune théorie économique n'a prévu cela.

Je me demande en moi-même: et pourquoi donc ? La seule réponse logique est que c'est tout simplement absurde !

C'est totalement illogique que proposer des taux d'emprunt négatifs. A long terme c'est absolument pas viable.

Et pourtant...

Et ce n'est pas fini !

Tant que ceux qui ont mis ce foutoir en place seront encore aux commandes et qu'on leur fera confiance pour trouver une solution, on ne fera que s'enfoncer. On a mis les pyromanes en charge d'éteindre le feu.

Now, what's next ?

Paraphrasons les anglo-saxons qui se posent chaque fois la question après qu'on leur ait exposé une situation: Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait (ensuite) ?

Et bien tant qu'on ne voudra pas laisser le système s'effondrer afin de faire table rase des mauvais acteurs et le laisser renaître de ses cendres, on est condamné à la fuite en avant, c-à-d :
- davantage de Quantitative Easing (impression monétaire)
- davantage d'endettement
- davantage de baisse des taux
- des taux négatifs partout, y compris pour les particuliers (si si!)
- aucune relance du chômage (bien au contraire).
- des discours de plus en plus creux sur la "relance économique" qui se réalise sans emplois, sans matières premières et sans pétrole. Le la relance fantôme en quelque sorte.

Au risque de me répéter la question n'est pas de savoir si cela va arriver, mais de quand?

En attendant le mieux qu'on puisse faire est de se préparer en appliquant les principes de sagesse populaire:

- pas tous vos oeufs dans le même panier
- 5 à 10% de vos actifs financier dans l'or (et prier pour que cela ne serve à rien)
- quelques provisions de bouche au cas où une chypriotisation arrive (sans prévenir comme il se doit) 
- quelques bonnes bouteilles comme monnaie d'échange au cas où
- rester loin des banques autant que faire se peut (auriez-vous embarqué sur le Titanic si vous saviez qu'il allait couler ?)


Sur ce, je vous souhaite à tous une bonne rentrée scolaire.




Notes de bas de page

1. PIB, Produit Intérieur Brut, c'est une mesure de la génération de richesse au niveau d'un pays ou une zone économique donnée. En théorie, c'est la somme de tous les revenus générés par tous les agents économiques durant une période de 1 an.
2. Les enfers sont traditionnellement le royaume sous-terrain qui serait sous nos pieds, plus bas que l'homme ne puisse jamais creuser. On l'appelle aussi 'Royaume des Morts'

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